samedi 19 avril 2014

La fête du printemps chez Lily Oz'

Les artisansLes artisans
Voilà, une manifestation de plus qui vient de prendre fin. Rencontres avec les Artisans et Artistes qui participent à l'évènement en attendant le public qu'on espère comme l'on peut souhaiter le beau temps un jour de départ en mer. On apporte les dernières petites touches aux différents stands, histoire de tuer encore un peu de temps. Puis, tout est fin prêt. On patiente encore avant l'arrivée des premiers visiteurs. La pensée flotte, se perd quelques instants.
Ce genre de fête n'est pas sans rappeler les ambiances d'antan où tout un chacun venait se promener, faire réaliser des photos du petit dernier, admirer les réalisations des uns et des autres, acheter du tissu, des outils car il y avait là, assurément, ce que l'on ne pouvait trouver ailleurs. Parfois, on ne pouvait résister aux odeurs enivrantes des fameuses grillades de la "Mère Paulette". Un fumet qui s'insinuait partout et vous attirait inexorablement vers une de ces baraques en bois, escamotable, bricolée avec passion le jour où l'idée avait germé ; provisoire et finalement irremplaçable.
L'eût-on changée ; après avoir suffisamment vendu pour envisager une opération de modernisation ; que le client, vexé, ne serait probablement jamais revenu. Alors on l'avait agrandie en lui associant une toile de tente américaine que l'on avait échangé aux « 'ricains » contre quelques souvenirs abandonnés sur le bord des routes par une armée en déroute, des « trophées » dont les GI's raffolaient. La tente avait été conçue pour résister à tout. Même aux hommes qui prenaient place en-dessous pour manger, «boire un canon» et se livrer parfois à quelques ruades beuglantes vite calmées par "l'Homme de la Mère Paulette". Un bucheron, originaire des Vosges, venu se perdre ici pour tenter sa chance et y avait trouvé finalement l'amour.
La baraque quant à elle, avec toutes ses barres de renfort, aurait pu affronter des intempéries "ca-ta-clys-miques" à en croire ses habitués. Elle était un sanctuaire dans lequel on se retrouvait pour se raconter des mois d'histoires, transmettre des nouvelles, annoncer les naissances et malheureusement parfois quelques décès. C'est pourquoi elle devint le symbole d'appartenance à un «Tout» que beaucoup eurent alors la candeur de croire éternel.

A Gondreville...

Aujourd'hui, si les choses ont bien changé, l'ambiance n'en est pas moins conviviale et bon enfant. On mange une crêpe, on trinque avec un fabuleux jus de raisin gazeux et sans alcool dont Damien Guichoux, viticulteur à Saint Georges sur Layon, a le secret. Verdict : "... C'est comme le Champomy mais en mieux bon...". Un nectar qui ne monte pas à la tête mais qui réchauffe les coeurs. On aime ou on aime pas. Mais lorsque les enfants accrochent (sans parler des plus grands), on ne repart pas sans son carton de six... Damien sera dévalisé.
Là, il y a des compositions florales encadrées par des torsades d'osier que le printemps a fait bourgeonner. On s'approche, on discute. Hormis les compositions, on vous propose de construire dans votre jardin la cabane des enfants. Pas celle, éphémère, fabriquée avec des planches de pins importées de Pologne ou de bois provenant d'Afrique. Non, on vous propose une vraie cabane, vivante. Celle qui annoncera, en reverdissant à chaque printemps, l'ouverture d'une nouvelle saison d'aventures pour les enfants. L'architecture végétale, une idée géniale de simplicité. Authentique, écologique, 100% durable. Mais au Comptoir du saule ils ne font pas que cela. Allez jeter un oeil sur leur site, voir mieux : n'hésitez pas à faire un tour du côté de Léouville.
Puis, on rentre dans le domaine de Lily Oz'. On restaure, on construit, on recycle, on redonne vie à des objets en détournant parfois leur fonction première pour en créer une autre. Celle qu'aucun visiteur n'aurait pu soupçonner avant de les découvrir. On donne ainsi à un objet, parfois banal, ce petit plus qui fera toute la différence, une seconde vie qui lui permettra de durer, encore un peu plus. Il en est de même pour les bijoux de Delphine Smolnick.
On poursuit la visite. On entre dans une pièce, celle où sont exposées les aquarelles de Sylvy Rigal. J'aime la finesse de ces traits, de ces larmes de peinture qui fixent l'image d'une fleur, d'un oiseau, d'un paysage. Elles sont comme l'écho de ces derniers lambeaux de rêve que l'on tente de retenir à tout prix. Ceux qui ont pu procurer ce sentiment de légèreté et de bien-être à notre âme.
Et puis il y a Patrick Sannajust, un coutelier venu de Thiers, qui vend de vrais "Laïoles" qu'il réalise pour des sommes tout à fait acceptables. On approche, l'Ours a un sourire aux lèvres, il est dans son élément. Il touche, caresse, flatte, apprécie, renifle, repose, sourit, reprend, met de côté. Il remarque la vieille valise en carton recouverte d'un tissu verdâtre, usé par le temps et les intempéries, que le grand-père du coutelier utilisait pour aller vendre lui-même sa production. Il y a de cela soixante ans. Au fond de cette boîte ouverte sur le passé, trônent les diplômes jaunis par le temps, d'anciens carnets de commandes, quelques outils et réalisations d'époque. Des petits bouts de vie d'un autre temps que l'on transmet religieusement au notre comme pour mieux lui montrer qui l'on est et d'où l'on vient. L'Ours regarde cette valise comme un trésor sorti tout droit d'un film de pirates et je peux presque voir dans ses yeux brillants les images que cela réveille en lui.

Une tradition séculaire

Derrière tout cela, il y a une longue tradition dont toutes ces femmes et ces hommes sont un peu les héritiers. Celle de l'échange, de la découverte, du secret de fabrication que l'on envie mais que l'on ne cherche pas à percer. Il n'y a pas de compétition futile, il y a complémentarité et fraternité. Par amour de l'Art, par respect pour les autres et ce qu'ils représentent.
On se revoit après quelques mois et, comme le public, on prend plaisir à découvrir les nouveautés, le travail que l'autre a pu accomplir, l'inventivité dont il a fait preuve pour toujours aller de l'avant, surprendre, susciter l'attention, faire naître le rêve et l'envie. L'envie du public qui le poussera à acheter, l'envie de continuer pour celui qui créé.
Parce qu'au-delà de l'acte d'achat ; récompense de l'artisan pour le travail fourni ; il y a tout simplement l'espoir de la reconnaissance que tout être humain est en droit d'attendre de ce dernier.
Certes, les temps actuels ne consacrent plus rien, estimant que tout est devenu banalement industrialisable, bassement monnayable, dans un esprit d'uniformité qui ne voudrait laisser de place à rien d'autre. Démarche de calibrage universel des sens et des idées, issue d'une pensée réduite et réductrice cherchant à faire abstraction des peuples eux-mêmes et de ce qu'ils portent en eux : leur histoire, leur culture, leur intelligence et leurs rêves.
Si les rêves permettent parfois aux Hommes d'accomplir ce que l'on pensait impossible à réaliser, les mirages quant à eux ne sont que des illusions projetées pour mieux leur faire perdre le sens de la Réalité («... et dans les ténèbres les lier»). Ils n'ont jamais rien produit d'autre que le reflet d'une vérité qui se voudrait flatteuse et qui restera, finalement, inaccessible et fallacieuse.
On atteint jamais un mirage et, à moins de lui tourner le dos, on en succombe sans même qu'il nous touche vraiment. Les rêves eux sont la source de notre énergie créative. Celle qui a permis notre évolution, notre adaptation et notre survie jusqu'à présent. Un savant équilibre entre le passé, le présent et le futur que seules notre imagination et notre intelligence nous permettent tôt ou tard de retrouver. Parce que le rapport aux choses et aux hommes ne peut tenir en un seul argument, parce que - comme le disait Aristote - savoir, c'est se souvenir, parce que force est de reconnaître qu'au bord du gouffre l'Homme abandonne les mirages et donne le meilleur de lui-même.

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